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Du bon usage de La victimisation

La victimisation est une pratique courante qui consiste à se présenter soi-même et de façon exagérée comme une victime. Les thérapeutes livrent une lutte sans merci à ce schéma relationnel (quand ils ne la pratiquent pas eux-mêmes) avec parfois l’impression que leur travail n’a pas plus d’effets que les accords sur le climat. Tout le monde reconnait qu’il faut ça se cesse, signe et puis… rien.

François se désole de façon récurrente  : « Ma femme ne me donne pas de tendresse, me reproche tout et n’importe quoi, mes enfants se moquent de moi. J’ai l’impression de ne pas exister dans cette maison ». Claudia déplore son destin :  « Je n’ai pas de chance en amour, je tombe toujours sur des hommes égoïstes. Mais qu’est ce que j’ai fait pour mériter ça !? ». S’il y a  un courageux parmi vous, il peut leur poser deux questions :

1. « Comment est-ce que tu t’y prends pour en arriver-là ? »

2. « As-tu une idée de ce que Tu pourrais faire pour changer Ta situation ? ».

Pourquoi un courageux ? Eh bien parce qu’on ne va pas se mentir, nos deux amis risquent d’être très contrariés. Claudia argumentera qu’elle n’y est pour rien dans ses choix d’hommes vu qu’elle est frappée par une terrible malédiction. Quant à François, il se défendra : ce sont les gens de sa famille qui sont méchants, lui, il est gentil. Vous ne vous laisserez pas faire et vous renchérirez que les mauvais sorts, ça n’existe pas et que pour François, justement, c’est sa gentillesse excessive le problème. Ils vous répondront alors que vous n’en savez strictement rien : les malédictions, ça existe, la preuve ! Et puis la bonté, c’est « génétique », on naît avec, on se refait pas…

Personnellement, à ce stade-là, je vous conseille de vous taire ou de passer à autre chose.

Car pourquoi l’un et l’autre modifieraient-ils une activité dont les bénéfices et la rentabilité sont aussi fortes ?!!! Le problème est certes moins grave que la réduction des gaz à effets de serre mais il y ress on parle de transformer une économie basée sur la fabrication de biens de consommation en autre chose. Ok…. mais la changer en quoi ? On va abandonner nos voitures pour marcher à pied ? Ne plus aller au supermarché et cultiver les champs ? Refabriquer nous-mêmes nos habits ?  Dans le cas qui nous occupe, celui de la Victimisation, c’est la même chose : la perspective du changement a de quoi inquiéter puisqu’il s’agit de passer d’un système qui fonctionne à un autre, totalement inconnu. Si je ne suis plus une « Victime », comment faire pour obtenir les mêmes niveaux de reconnaissance, d’attention, de soin et, n’ayons pas peur des mots, d’amour ?

Arrêter de se victimiser ? Et puis après… on fait quoi ?

Comme la production des énergies fossiles, la victimisation rapporte. Changer ce système relationnel, c’est gagner moins, peut-être même perdre selon une croyance profondément ancrée. C’est entrer dans un monde de comportements, de pensées et de sentiments nouveaux. Mouais… pas dit que ça plaise et si, en plus, la vie sans lamentations ressemble aux posts des copines sur Facebook avec des citations de Bouddha, des petits cœurs, des flous et des paillettes… très peu pour nous ! Oui, l’inconnu, c’est en général peu vendeur : on ne sait pas comment ça marche, on n’est pas sûr d’avoir le contrôle alors qu’une bonne victimisation… pratiquée de surcroît depuis l’enfance.

Ce dont le pratiquant est consciemment ou inconsciemment convaincu, c’est que renoncer signifie tirer un trait sur les beaux signes de reconnaissance offerts par ses interlocuteurs lorsqu’il raconte comment le malheur le frappe sans relâche, leur regard compatissant quand il décrit l’ignoble façon dont il est traité. Sans parler de la colère que suscite ses plaintes répétées, signe d’un intérêt puissant. Elle a l’avantage, en plus, de valider la victimisation : « En plus personne ne comprend ce que je vis !!! ».

À la diminution d’intérêt de la part des autres, s’ajoute la perte d’une dépendance confortable. Plus de prise en charge de la part des Sauveurs ! Une fois, les persécuteurs congédiés à qui imputer la responsabilité de l’échec ? Car tout le problème est là : la victimisation nous protège de l’échec, de l’abandon et du rejet ! Enfin en sommes-nous persuadés. Sans elle, nous voici seuls face à la construction de notre propre avenir, à nos choix et nos décisions. Mince. … Il est où mon pervers narcissique !!!! Je veux qu’il revienne… Tout de suite !!!!!!!!!!

D’autant qu’il existe un dernier avantage relationnel proche de la perspective de recevoir un bonne quantité d’attention. Pour qui n’aime pas les silences, la victimisation occupe l’espace et le temps. Elle fournit un nombre incalculable de sujets de conversation : notre vie amoureuse, sociale, professionnelle, l’économie, la politique, le climat, nos voisins… Dès lors, on comprend qu’elle sera difficilement abandonnée par ceux qui ne supportent pas de n’avoir rien à dire ou qui hésite à se mettre en avant en étalant leur succès.

Que raconter une fois ce fameux renoncement acté, comment être sûr d’être intéressant et surtout aimé et choyé, que décider pour soi s’il faut en assumer l’échec ? C’est le genre de réponses dont nous avons horreur nous les bien-souffrants !

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